Dernier jour – Always look on the bright side of life 

Ça y est ! J’ai fini mon Tour de France, bien plus heureux de l’expérience que de la performance. Le vélo était un parfait accessoire mais il était accessoire. Depuis toujours sur la route ou en voyage, je me sens plus vivant. « Voyager c’est naitre et mourir à chaque instant » disait Victor Hugo.

Ce fut une déconnexion totale, ou une reconnexion à l’essentiel, c’est selon. Le même sentiment qu’en partant loin et longtemps. La même disposition à l’émerveillement. Admiratif de la nature et de ce que les hommes en ont fait. Ils ont dû beaucoup aimer leurs terres pour les magnifier ainsi. Le même plaisir dans la rencontre.

La dernière : Michel, 83 ans qui vit avec une ukrainienne depuis 13 ans et qui propose des chambres d’hôte depuis 5 ans. Michel, c’est les valseuses à la retraite. Petit déj en survet adidas et détendu du gland. Il a la simplicité de celui qui a bien vécu et ne s’encombre pas de conventions. On se tutoie pour le départ en espérant qu’on aura le plaisir de se revoir. Bon j’arrête là, certains s’en amuseront peut-être, d’autres me comprendront sûrement.

C’était le bon état d’esprit. Celui qu’on voudrait garder toujours, qui vous commande de savourer l’instant présent, qui vous rend plus agréable aux autres et à vous-même. J’étais en manque de voyage.

Pour le décor, ce fut 12 jours dans un musée à ciel ouvert. Pour le transport, ce fut à vélo parce que c’est la bonne vitesse et qu’il offre la liberté d’aller partout, de voir ce que l’on a décidé sans se contenter de ce que les offices du tourisme voudraient montrer. Par goût et sans ce challenge, j’aurais opté pour 4 à 6h de vélo par jour pour prendre le temps et de vraies pauses. Mais je n’aurais jamais vécu ces fins de journées à vélo dont le souvenir restera éternel. Je ne referai probablement pas ce Tour de France mais si je devais, je ne changerais pas une seule seconde.

Jour 9 – Le vent l’emportera?

Foutu vent du Nord. Je l’écoute tenir, il ne me lâchera pas. Il tourne avec moi pour se mettre au degré près en plein dans ma gueule. Heureusement, c’est sur les deux étapes les plus courtes que les rafales s’en donnent à cœur.

La Charente ne m’a pas scotché par ses paysages (des fermes, des marais, du colza) mais elle a le charme de la simplicité et j’ai trouvé les charentais au moins aussi agréables que leurs pantoufles.

D’abord le fermier chez qui je débarque entre ses poules et ses lapins après m’être égaré au milieu de ses champs (le chemin de terre ne menait donc nulle part…). Puis mes hôtes qui m’apprennent que c’est à Rochefort qu’on a reconstruit l’Hermione : 17 charpentiers spécialisés et 12 ans de travaux pour cela alors que sous Louis XVI ces mêmes chantiers sortaient 300 bateaux par an. Enfin le mécano de chez Décath qui me change gracieusement ma roue car il n’avait pas les bons rayons.

Jour 10

La rencontre du jour, c’est Hicham, la vingtaine, qui est parti le 23 janvier de Moselle pour faire le Tour de France en courant et sans argent. Il fait 60 kms par jour et mange quand on lui donne de quoi, donc pas tous les jours… La Rochelle me séduit, la Vendée m’étonne.

C’est champêtre, la campagne est plus réjouissante que les marais poitevins que je trouve un peu mornes sous le crachin. Chaque village possède un crucifix d’au moins 6m de haut, certains particuliers en ont un dans leur jardin. Et tout se normalise quand on quitte le département. La lumière est encore une fois sublime et les routes très adaptées pour le vélo.

Jour 7 – Ne pas vendre la peau de l’ours

C’est un chien qui a bien failli avoir la mienne. Alors que je roule sur le chemin de halage, il décide d’en finir et se jette sous mes roues au dernier moment. 1ère chute. Je l’avais senti ce con. Sa maitresse est désolée, c’est la première fois qu’il lui fait ce coup-là. J’ai fêté la mi parcours à Toulouse et ne suis pas tout frais en la quittant. J’aimerais profiter de cette petite étape pour arriver tôt et me reposer.

Je laisse le canal à sa monotonie et coupe au plus direct. Les averses, le relief du Tarn et Garonne et un méchant vent qui me colle à la route me rappellent que le chemin est encore long. Les personnes que je croise sont affables, les paysages plaisants mais c’est la 1ère fois que j’ai hâte d’arriver plutôt que de savourer sans me soucier de terminer 2h plus tard. Ça change tout. Quand j’arrive dans le noir et sous la pluie, l’hôtel est fermé. Petit moment de solitude en hurlant à la lune « y’a quelqu’un ?? ». Ouf, on m’ouvre.

Jour 8

J’apprends au réveil que j’ai dormi dans le village de Francis Cabrel. Un samedi soir sur ses terres donc. Dimanche, à moi le Lot et Garonne, ses arbres fruitiers et le canal latéral de la Garonne. Un héron me suit quelques kilomètres, s’envole, se pose, se ré-envole, se repose. Après une averse matinale, le ciel se dégage et le vent, toujours de face, finit par me laisser un peu tranquille.

Une crevaison, deux rayons cassés et mon vélo qui grince mais j’ai retenu la leçon : je savoure. La fin de journée est belle, les clochers et les villages ont changé à une trentaine de kms de Bordeaux. Le Sud est bel et bien derrière moi. J’arrive à Bordeaux qui annonce la remontée plein Nord et le début de la fin.

 

Au début du printemps 2017, j’ai refait le premier Tour de France (1903) pour vanter les charmes de la France et ceux du voyage à vélo.

Ce fut un voyage merveilleux. A vélo, la magie opère grâce à trois ingrédients : l’authenticité qu’il permet, la liberté qu’il offre et le temps long, propice à la réflexion.

Je vous encourage à traverser les villes et les régions françaises pour découvrir ce qui a fait la France hier et ce qui la singularise encore. Il n’est pas nécessaire d’enfiler les kilomètres pour gouter aux plaisirs de la route. Quelques tours de roues pour découvrir la ville ou les villages environnants : c’est déjà parfait. Je vous y invite avec ce blog dont voici la teneur :

La France à vélo alterne entre billets d’humeur et découverte de la France.

Le Monde du vélo présente des sites qui donnent envie et des conseils qui facilitent la pratique du vélo.

Jour 5- On dirait le Sud

Ma belle-sœur s’est occupée de mes coups de soleil, de mes tendons et de mes sandwichs ! Je quitte la Provence toujours un peu trop tard mais je me réconcilie avec elle sur ses petites routes. Elles serpentent, plombées par le soleil, entre les vieilles vignes, les oliviers, les villages et les massifs rocheux. Tout concourt à la quiétude. Le « connard » inexpliqué, lâché à la volée par une jeune conductrice me tire de mes songes mais n’y changera rien. Arles marque le début d’un nouveau cadre : la Camargue.

Le changement est radical : c’est tout droit, tout plat et assez monotone. La fin de journée s’enflamme, le ciel reflète toutes ses nuances dans les eaux calmes qui bordent la route et révèle un somptueux décor. A nouveau la quiétude. Montpellier marie ses vieux quartiers à la nouvelle ville et le résultat est réussi.

Jour 6

Je m’en vais par les pistes cyclables occitanes gagner les terres de l’ami Georges. La vigne pousse comme les mauvaises herbes, il y en a partout. Béziers m’éblouit par la beauté de ses façades décrépies et Carcassonne par sa forteresse. Cette étape que je craignais pour la tramontane m’offre son vent d’autan, celui qui rend fou dit-on. Fou de joie me concernant car il me pousse aussi fort qu’une assistance électrique.

La fin de journée est encore magnifique : la lumière chaude du canal après Carcassonne laisse place à un ciel chargé d’un bleu bien noir et prêt à exploser. C’est chose faite à Castelnaudary, et je finis sous la pluie jusqu’à Toulouse. J’ai fait la moitié de l’itinéraire et jusque-là, je suis un enfant gâté.

Jour 3 – A courir plusieurs lièvres…

Il y a un paradoxe à vouloir refaire une course cycliste et faire l’éloge de la lenteur. Faire un éloge, ça prend du temps. Faire le Tour c’est éprouvant. A Lyon j’ai dormi 4h puis je suis parti à 14h, la faute à mon dérailleur. Mais la belle journée le long du Rhône et la chaleur de l’accueil valent des bonnes nuits de sommeil. J’ai confirmation que la tête commande.J’ai deux gros gigots en guise de tendons mais je me suis dit qu’il ne tenait qu’à moi de ne pas laisser la douleur physique se transformer en souffrance… Et ça marche ! pourvu que ça dure.

Niveau « France à vélo », je fais le ¼ de ce que j’avais prévu pour donner envie de découvrir la France à vélo. Les nombreux châteaux du 15e siècle croisés en Bourgogne et qui évoquent l’éclat du duché à cet époque, les routes des vins, l’évolution des cultures, des plantes, des habitations, des villages… Tout ce qu’on ne voit pas quand on descend par l’autoroute.

Jour 4

Je déchante un peu en Provence que j’imaginais comme l’un des clous du spectacle. Les provençaux sont certainement sympathiques mais on a dû mettre tous leurs cons sur la route. Ils klaxonnent, me frôlent et rendent le trajet moins agréable.

Changement de région = changement de couleurs, d’odeurs et grosses chaleurs. A tous ces niveaux j’en prend plein la figure. La mienne est devenue toute rouge. Mon frangin roule quelques heures avec moi, le temps de nous perdre, de casser ma chaine et de retrouver une route plus tranquille. Arrivée à Marseille, encore de nuit à 1/2h près, mais il me faut 10 kms dans la ville à déjouer les voies rapides pour gagner le vieux port. J’attends la bonne nuit réparatrice mais un diner en famille, c’est toujours ça de pris.